La responsabilité pénale des dirigeants sociaux dans l’ausgie revise

Fév 23, 2022

La responsabilité pénale peut se définir comme l’obligation de répondre des infractions commises et de subir la peine prévue par le texte qui les réprime[i].

Les dirigeants sociaux sont les personnes physiques, morales, ou organes régulièrement désignés pour gérer la société et qui y assument des fonctions de direction ou d’administration et l’engagent à l’extérieur.

Ont la qualité de dirigeants :

  • Le(s) gérant(s) dans la société en nom collectif (SNC) ;
  • Les associés commandités dans la société en commandite simple (SCS) ;
  • Le(s) gérant(s) dans la société à responsabilité limitée (SARL) ;
  • Dans la société anonyme (SA) : le conseil d’administration, le président du conseil d’administration, le président directeur général et le directeur général dans la SA avec conseil d’administration, et l’administrateur général pour la SA sans conseil d’administration.
  • Le président, soit tout autre dirigeant désigné par les statuts dans la société par actions simplifiées (SAS).

L’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (AUSCGIE) en date du 30 janvier 2014, entré en vigueur le 05 mai 2014, consacre plusieurs dispositions à la responsabilité pénale des dirigeants sociaux et érige plusieurs faits en infractions.

L’AUSCGIE a procédé aux incriminations et a par la méthode du renvoi législatif, laissé aux Etats-parties de l’OHADA la possibilité de déterminer les peines en matière pénale par l’entremise des parlements nationaux.

Ainsi, les sanctions sont déterminées au Sénégal par la loi nº2018-13 du 27 avril 2018 relative à la répression des infractions prévues par les Actes uniformes adoptés en application du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.

Le tableau ci-après énonce les différentes infractions prévues par l’AUSCGIE et leurs sanctions édictées par la loi nº2018-13.

A- Infractions relatives à la constitution des sociétés

Constitue une infraction pénale :

  • Le fait, pour les fondateurs, le président-directeur général, le directeur général, l’administrateur général ou l’administrateur général adjoint d’une société anonyme d’émettre des actions avant l’immatriculation ou à n’importe quelle époque lorsque l’immatriculation est obtenue par fraude ou que la société est irrégulièrement constituée.

Sanctions :

  • Une peine d’amende de 250.000 à 1.000.000 FCFA.

 

Encourent une sanction pénale :

  1. Ceux qui, sciemment, par l’établissement de la déclaration notariée de souscription et de versement ou du certificat du dépositaire, auront affirmé sincères et véritables des souscriptions qu’ils savaient fictives ou auront déclaré que les fonds qui n’ont pas été mis définitivement à la disposition de la société ont été effectivement versés ;
  2. Ceux qui auront remis au notaire ou au dépositaire, une liste des actionnaires ou des bulletins de souscription et de versement mentionnant des souscriptions fictives ou des versements de fonds qui n’ont pas été mis définitivement à la disposition de la société ;
  3. Ceux qui sciemment, par simulation de souscription ou de versement ou par publication de souscription ou de versement qui n’existent pas ou de tous autres faits faux, auront obtenu ou tenté d’obtenir des souscriptions ou des versements ;
  4. Ceux qui, sciemment, pour provoquer des souscriptions ou des versements auront publié les noms de personnes désignées contrairement à la vérité comme étant ou devant être attachées à la société à un titre quelconque ; ceux qui, frauduleusement, auront fait attribuer à un apport en nature, une évaluation supérieure à sa valeur réelle.

Sanctions :

  • Un emprisonnement d’un an à cinq ans et une amende de 500.000 à 2.000.000 FCFA ou une ces peines.

B- Infractions se rapportant à la gérance, à l’administration et à la direction des sociétés       

Encourent une sanction pénale :

  • Ceux qui ont sciemment négocié : 1°) des actions non entièrement libérées ; 2°) des actions de numéraire pour lesquelles le versement du quart du nominal n’a pas été effectué ;

Sanctions :

  • Un emprisonnement d’un mois à trois mois et une amende de 250.000 à 1.000.000 FCFA ou une de ces peines.

 

  • Les dirigeants sociaux qui, en l’absence d’inventaire ou au moyen d’inventaire frauduleux, ont, sciemment, opéré entre les actionnaires ou les associés la répartition de dividendes fictifs ;
  • Sanctions :

Un emprisonnement d’un an à cinq ans et une amende de 500.000 à 5.000.000 FCFA.

  • Les dirigeants sociaux qui ont sciemment, même en l’absence de toute distribution de dividendes, publié ou présenté aux actionnaires ou associés, en vue de dissimuler la véritable situation de la société, des états financiers de synthèse ne donnant pas, pour chaque exercice, une image fidèle des opérations de l’exercice, de la situation financière et de celle du patrimoine de la société, à l’expiration de cette période.

Sanctions : 

  • Un emprisonnement d’un an à cinq ans et une amende de 500.000 à 5.000.000 FCFA.

 

  • Les dirigeants sociaux qui n’ont pas déposé, dans le mois qui suit leur approbation, les états financiers de synthèse.

Sanctions :

  • Un emprisonnement d’un mois à trois mois et une amende de 250.000 à 1.000.000 FCFA ou une de ces peines.

 

  • Le gérant de la société à responsabilité limitée, les administrateurs, le président-directeur général, le directeur général, le directeur général adjoint, le président de la société par actions simplifiée, l’administrateur général ou l’administrateur général adjoint qui, de mauvaise foi, font des biens ou du crédit de la société, un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles, matérielles ou morales, ou pour favoriser une autre personne morale dans laquelle ils sont intéressés, directement ou indirectement.

Sanctions :

  • Un emprisonnement d’un an à cinq ans et une amende de 500.000 à 5.000.000 FCFA.

 

  • Les dirigeants sociaux qui, sciemment : 1°) ne font pas figurer la dénomination sociale sur tous les actes et documents émanant de la société et destinés aux tiers ; 2°) ne font pas précéder ou suivre immédiatement la dénomination de l’indication, en caractères lisibles, de la forme de la société, du montant de son capital social, de l’adresse de son siège social et de la mention de son immatriculation au Registre du commerce et du crédit mobilier.

Sanction :

  •  Une peine d’amende de 250.000 à 1.000.000 FCFA.

 

  • Les dirigeants sociaux d’une société étrangère ou la personne physique étrangère dont la succursale, au-delà d’une durée de deux (2) ans, n’a été ni apportée à une société de droit préexistante ou à créer de l’un des États parties ni radiée dans les conditions fixées par l’article 120 de l’AUSCGIE.

Sanctions :

  • Une peine d’amende de 500.000 à 2.500.000 FCFA.
  • Le juge peut en outre, prononcer la fermeture provisoire ou définitive de la succursale.

 

C-Infractions liées aux assemblées générales

Encourent une sanction pénale :

  • Ceux qui, sciemment, ont empêché un actionnaire ou un associé de participer à une assemblée générale.

Sanctions :

  • Un emprisonnement d’un mois à un an et une amende de 250.000 à 1.000.000 FCFA ou une de ces peines.

 

  • Les dirigeants sociaux qui, sciemment, n’établissent pas les procès-verbaux d’assemblées générales dans les formes requises par l’AUSCGIE.

    Sanction :

  • Une peine d’amende de 250.000 à 1.000.000 FCFA.

 

D-Infractions ayant trait aux modifications du capital

  • 1- Augmentation de capital

Encourent une sanction pénale :

  • Les administrateurs, le président du conseil d’administration, le président-directeur général, le directeur général, le directeur général adjoint, l’administrateur général, l’administrateur général adjoint d’une société anonyme ou le président d’une société par actions simplifiée qui, lors d’une augmentation de capital, ont émis des actions ou des coupures d’actions :

1°) avant que le certificat du dépositaire ait été établi ;

2°) sans que les formalités préalables à l’augmentation de capital aient été régulièrement accomplies ;

3°) sans que le capital antérieurement souscrit de la société ait été intégralement libéré ;

4°) sans que les actions nouvelles aient été libérées d’un quart au moins de leur valeur nominale au moment de la souscription ;

5°) le cas échéant, sans que l’intégralité de la prime d’émission ait été libérée au moment de la souscription.

Sanction :

  • Une peine d’amende de 250.000 à 1.000.000 FCFA.

 

  • Les administrateurs, le président du conseil d’administration, le président-directeur général, le directeur général, le directeur général adjoint, l’administrateur général, l’administrateur général adjoint d’une société anonyme ou le président d’une société par actions simplifiée qui n’ont pas maintenu les actions de numéraire sous forme nominative jusqu’à leur entière libération.

Sanctions :

  • Un emprisonnement d’un mois à un an et une amende de 250.000 à 1.000.000 FCFA ou une de ces peines.

 

  • Les gérants d’une société à responsabilité limitée qui, lors d’une augmentation de capital, ont émis des parts sans que ces nouvelles parts aient été libérées de la moitié au moins de leur valeur nominale au moment de la souscription.

    Sanction :

  • Une peine d’amende de 250.000 à 1.000.000 FCFA.

 

  • Les dirigeants sociaux qui, lors d’une augmentation de capital :

1°) n’ont pas fait bénéficier les actionnaires, proportionnellement au montant de leurs actions, d’un droit préférentiel de souscription des actions de numéraire lorsque ce droit n’a pas été supprimé par l’assemblée générale et que les actionnaires n’y ont pas renoncé ;

2°) n’ont pas fait réserver aux actionnaires un délai de vingt (20) jours au moins, à dater de l’ouverture de la souscription, sauf lorsque ce délai a été clos par anticipation ;

3°) n’ont pas attribué les actions rendues disponibles, faute d’un nombre suffisant de souscription à titre irréductible, aux actionnaires qui ont souscrit à titre réductible un nombre d’actions supérieur à celui qu’ils pouvaient souscrire à titre irréductible, proportionnellement aux droits dont ils disposent ;

4°) n’ont pas réservé les droits des titulaires de bons de souscription.

Sanction :

  • Une peine d’amende de 250.000 à 1.000.000 FCFA.

 

  • Les dirigeants sociaux qui, sciemment, ont donné ou confirmé des indications inexactes dans les rapports présentés à l’assemblée générale appelée à décider de la suppression du droit préférentiel de souscription.

 

Sanctions :

  • Un emprisonnement de six mois à deux ans ans et une amende de 500.000 à 3.000.000 FCFA ou une de ces peines.
  • 2  Réduction de capital

Encourent une sanction pénale :

  • Les administrateurs, le président-directeur général, le directeur général, le directeur général adjoint, le président de la société par actions simplifiée, l’administrateur général ou l’administrateur général adjoint qui, sciemment, ont procédé à une réduction de capital :

1°) sans respecter l’égalité des actionnaires ;

2°) sans avoir communiqué le projet de réduction de capital aux commissaires aux comptes quarante-cinq (45) jours avant la tenue de l’assemblée générale appelée à statuer sur la réduction de capital.

Sanction :

  • Une peine d’amende de 250.000 à 1.000.000 FCFA.

 

E-Infractions relatives au contrôle des sociétés

Encourent une sanction pénale :

  • Les dirigeants sociaux qui n’ont pas provoqué la désignation des commissaires aux comptes de la société ou ne les ont pas convoqués aux assemblées générales.

Sanctions :

  • Un emprisonnement d’un mois à un an et une amende de 250.000 à 1.000.000 FCFA ou une de ces peines.

 

  • Les dirigeants sociaux qui, sciemment, ont fait obstacle aux vérifications ou au contrôle des commissaires aux comptes ou qui ont refusé la communication, sur place, de toutes les pièces utiles à l’exercice de leur mission et notamment de tous contrats, livres, documents comptables et registres de procès-verbaux.

Sanctions :

  • Un emprisonnement d’un an à cinq ans et une amende de 500.000 à 5.000.000 FCFA.

 

F-Infractions se rapportant à la dissolution des sociétés

Aussi, encourent une sanction pénale :

  • Les dirigeants sociaux qui, sciemment, lorsque les capitaux propres de la société deviennent inférieurs à la moitié du capital social du fait des pertes constatées dans les états financiers de synthèse :

1°) n’ont pas fait convoquer, dans les quatre mois qui suivent l’approbation des états financiers de synthèse ayant fait apparaître ces pertes, l’assemblée générale extraordinaire à l’effet de décider, s’il y a lieu, la dissolution anticipée de la société ;

2°) n’ont pas déposé au Registre du commerce et du crédit mobilier et publié dans un journal habilité à recevoir les annonces légales, la dissolution anticipée de la société.

Sanctions :

  • « Sont punis d’une peine d’amende de 250.000 à 2.000.000 FCFA ou de l’une ces peines. » (Article 49 de la loi nº13/2018-13 du 27 avril 2018).

 

G-Infractions en matière d’appel public à l’épargne

Et encourent une sanction pénale :

  • Les présidents, les administrateurs ou les directeurs généraux de société qui ont émis des valeurs mobilières offertes au public :

1°) Sans qu’une notice soit insérée dans un journal habilité à recevoir les annonces légales, préalablement à toute mesure de publicité ;

2°) Sans que les prospectus et circulaires reproduisent les mentions de la notice prévue au 1°) du présent article, et contiennent la mention de l’insertion de cette notice au journal habilité à recevoir les annonces légales avec référence au numéro dans lequel elle a été publiée ;

3°) Sans que les affiches et les annonces dans les journaux reproduisent les mêmes mentions, ou tout au moins un extrait de ces mentions avec référence à ladite notice, et indications du numéro du journal habilité à recevoir les annonces légales dans lequel elle a été publiée ;

4°) Sans que les affiches, les prospectus et les circulaires mentionnent la signature de la personne ou du représentant de la société dont l’offre émane et précisent si les valeurs offertes sont cotées ou non et, dans l’affirmative, à quelle bourse.

Sanction :

  • Une peine d’amende de 250.000 à 2.000.000 FCFA.

[i] CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2020

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