Loi sur l’affacturage, un texte très attendu…

Avr 8, 2022

Adopté le 10 décembre 2020 par le Conseil des Ministres de l’Union Monétaire Ouest Africaine, le projet de loi uniforme relative à l’affacturage est dans le circuit législatif des Etats. Il souligne les efforts constants de l’Union en matière d’encadrement des activités de crédit.

L’affacturage est une opération de financement qui permet à une entreprise de mobiliser de la trésorerie en cédant les créances détenues sur ses clients à un établissement financier qui peut aussi en assurer le recouvrement.

Cette technique permet à l’entreprise d’optimiser son cycle d’exploitation par un encaissement prématuré des factures émises mais aussi ses ressources humaines grâce à une délégation de la fonction de recouvrement.

La pratique bancaire est déjà très en avance sur ce type de financement avec la présence sur ce marché d’Institutions bancaires de renom et d’établissements financiers spécialement dédiés.

D’un point de vue juridique, l’affacturage s’appuie sur les concepts de cessions de créances et de subrogation. Au Sénégal, le Code des Obligations Civiles et Commerciales en ses articles 244 à 254 a servi jusqu’ici de base légale aux opérations.

Les dispositions du projet de loi uniforme vont désormais prendre en charge les aspects purement pratiques dans la mise en oeuvre de l’affacturage tels que son application stricte aux créances commerciales, les créances exclues, les mentions obligatoires du contrat ainsi que les modalités de notification et de transfert au moyen d’un bordereau récapitulatif etc…

Parmi les innovations majeures, il a été introduit dans le projet de loi un droit de vérification autorisant la consultation des livres comptables des clients mais aussi un droit d’accès aux locaux pour procéder aux contrôles sur pièces.

Un délit spécifique à l’affacturage, passible d’un emprisonnement allant d’un an à cinq ans et d’une amende de 2.000.000 à 5.000.000 FCFA sera créé pour réprimer les clients qui tenteraient de présenter à l’affacturage des créances fausses ou déjà cédées. Les juges avaient, jusqu’ici, eu recours au délit d’escroquerie pour sanctionner de tels comportements.

Outre ces aspects pratiques, le projet de loi a tranché la question de l’opposabilité aux tiers de la cession des créances opérée dans le cadre de l’affacturage. Désormais, la cession sera opposable aux tiers à compter de l’inscription au Registre de Commerce et du Crédit mobilier en vertu des dispositions de l’article 6 du projet.

Ainsi, en dehors de la notification aux débiteurs cédés, les établissements de crédit devront inscrire les contrats d’affacturage au répertoire des entreprises (RCCM) souhaitant recourir à ce produit. Cette disposition est en cohérence avec l’Acte Uniforme sur le Droit des Sûretés qui a déjà fait de cette publicité une condition d’opposabilité aux tiers dans le cadre des cessions de créances à titre de garantie.

Il est cependant à constater que dans le projet, l’Union a laissé une marge de liberté aux législateurs nationaux afin de réguler la problématique de la priorité du droit d’un affactureur sur la créance commerciale cédée par rapport au droit d’un réclamant concurrent. Cette disposition semble être en contradiction avec la logique d’harmonisation du droit régissant les activités de crédit et l’avènement de l’agrément unique des établissements bancaires dans l’Union.

Une des pistes de règlement de la problématique de priorité pourrait être un droit exclusif au paiement de l’affactureur qui a rempli toutes ses obligations de notification et d’inscription au RCCM. Le législateur sénégalais pourrait prendre en charge cette question dans le cadre des concertations en impliquant les établissements de crédits, les usagers professionnels ainsi que les Commissions nationales OHADA.

Des mesures d’incitations fiscales telles que la réduction des droits d’enregistrement et des frais d’inscription au RCCM pour les contrats d’affacturage seraient également souhaitables pour permettre aux entreprises de privilégier cette méthode de financement empreinte de pragmatisme.

Affaire à suivre …

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