L’activité d’autoproduction d’énergie électrique au Sénégal

Mar 7, 2023

L’adoption de la loi n°2021-31 en date du 09 juillet 2021 portant Code de l’électricité a amorcé une réforme disruptive du cadre juridique applicable au secteur de l’électricité.

Cette réforme, en cours de parachèvement, a été poursuivie le 7 février 2023 par l’adoption du décret n°2023-286 relatif à l’activité d’autoproduction d’énergie électrique.

Ce décret, pris en application des articles 25, 55, 56 et 84 de la loi n°2021-31, fixe les conditions d’exercice de l’activité d’autoproduction d’énergie électrique ainsi que les conditions de vente du surplus d’énergie et d’injection dans le réseau.

Il abroge et remplace le décret n° 2011-2014 en date du 21 décembre 2011 portant application de la loi d’orientation sur les énergies renouvelables et relatif aux conditions d’achat et de rémunération du surplus d’énergie électrique d’origine renouvelable.

Un régime clair précisant les conditions et modalités de l’autoproduction est édicté et ce, en distinguant :

  • les activité d’autoproduction d’énergie électrique (I) ; et
  • la vente du surplus généré par l’autoproduction (II).

 

 I-L’activité d’autoproduction

Conformément à la loi n°2021-31, trois (3) conditions sont nécessaires à la caractérisation de l’autoproduction :

  • la production doit concerner des besoins propres (de nature domestique, industrielle, agricole, commerciale ou de service) ;
  • la production doit exclure toute satisfaction de besoin du public ou d’un tiers ;
  • le producteur indépendant doit exploiter les installations électriques dont il est propriétaire. Ce critère est repris par le décret n°2023-286 qui dispose qu’est propriétaire  « toute personne physique ou morale disposant d’un droit de propriété sur les installations électriques d’autoproduction ».

Concernant le régime applicable aux activités d’autoproduction, une distinction est faite entre celles soumises à la procédure de déclaration (A) de celles nécessitant une licence (B), dépendamment des seuils de puissance maximale des installations électriques.

A-Le régime de la déclaration

Conformément au décret n°2023-286, le régime de la déclaration s’applique à l’activité d’autoproduction dont les installations électriques ont une puissance maximale installée inférieure aux seuils suivants :

  • Puissance thermique : P ≤ 500 kW ;
  • Hydroélectricité : P ≤ 500 kW ;
  • Eolien : P ≤ 500 kW ;
  • Solaire thermique : P ≤ 1 MW ;
  • Solaire photovoltaïque : P ≤ 1 MW ;
  • Biomasse/Déchets : P ≤ 2 MW

Pour toute autre technologie non énumérée ci-dessus, la puissance maximale ne peut dépasser 2 MW.

Relativement à la procédure, le décret précise que la déclaration doit être effectuée auprès du Ministre chargé de l’Energie ainsi qu’à la Commission de Régulation du Secteur de l’Electricité (CRSE) préalablement à toute mise en service.  La procédure de dépôt de la déclaration et de délivrance du récépissé seront fixées par règlement d’application de la CRSE.

Toute modification des informations communiquées par le déclarant l’oblige à en informer par écrit le Ministre chargé de l’Energie, ampliation faite à la CRSE.

B-Le régime de la licence

Lorsque la puissance est supérieure aux seuils fixés pour le régime de la déclaration, le régime de la licence s’applique.

Conformément aux dispositions dudit projet de décret, les demandes de délivrance de licence doivent être déposées auprès du ministère chargé de l’Energie, contre remise d’un récépissé de dépôt. Le dossier est ensuite transmis à la Commission de Régulation du Secteur de l’Electricité (CRSE) qui se prononce sur la recevabilité. Le contenu du dossier de demande est indiqué à l’article 4 du projet de décret.

Muni du récépissé, le demandeur doit régler les frais d’instruction du dossier à la CRSE[2]. Cette dernière ouvre l’instruction lorsque la demande est jugée recevable.

L’article 6 du projet de décret fixant les conditions et les modalités de délivrance, de modification, de renouvellement et de retrait des titres d’exercice détermine une liste exhaustive de critères sur la base desquels l’instruction du dossier est effectuée.

Par ailleurs, l’article 17 du projet de décret énonce en sus de la procédure commune à toutes les demandes de licence, une liste de documents requis lors du dépôt d’une demande de délivrance d’une licence d’autoproduction à savoir :

  • un contrat d’achat d’énergie électrique ;
  • un contrat de raccordement avec le gestionnaire du réseau ;
  • les cibles et objectifs à atteindre notamment la quantité d’énergie produite ou stockée, le taux de disponibilité, la qualité de service ;
  • une description détaillée des spécifications techniques et architecturales des installations électriques prévues avec indication si elles sont détenues en propriété ou en location ;
  • la mention du statut relatif à l’occupation foncière de l’emplacement des installations électriques concernées ;
  • un plan d’affaires comportant notamment un plan d’investissement en capital, une estimation du coût de la construction ;
  • le programme d’exécution du projet proposé ;
  • le bilan énergétique attendu ;
  • une autorisation et /ou un certificat de conformité environnemental et tout document justifiant la capacité à assurer la protection de l’environnement ;
  • tout document justifiant des moyens permettant d’assurer la sécurité des personnes.

Sur le plan transparence, un ensemble de dispositions encadrent la publicité des demandes de délivrance des licences. La CRSE est chargée de leur bonne application.

La procédure de demande d’obtention d’une licence est quasiment identique à celle de l’ancien cadre règlementaire. La CRSE dispose de quarante-cinq (45) jours, à compter de la date de recevabilité, pour rendre un avis conforme au Ministre chargé de l’Energie. Elle peut recourir à une expertise au besoin. Auquel cas, le délai est suspendu.

Le ministre chargé de l’Energie dispose d’un délai de quinze (15) jour calendaire à compter de la réception de l’avis conforme, pour délivrer par arrêté, la licence, si l’avis de la CRSE est favorable. Le défaut de réponse dans le délai imparti emporte de plein droit, l’octroi du titre. Les licences d’autoproduction ne peuvent excéder vingt-cinq (25) ans. Leur délivrance donne lieu au paiement d’une redevance d’exploitation à l’Etat et d’une redevance annuelle à la CRSE.

Lorsque l’avis de la CRSE est défavorable, le Ministre dispose d’un délai de quinze (15) jours pour notifier au demandeur le rejet dûment motivé. Les motifs notifiés doivent êtres objectifs, non discriminatoires et proprement documentés.

Le projet de décret fixant les conditions et les modalités de délivrance, de modification, de renouvellement et de retrait des titres d’exercice prévoit des possibilités de recours à l’encontre des décisions objet d’un rejet. Pour ce faire, un recours préalable doit être exercé devant le comité de règlement des différends de la CRSE préalablement à toute saisine de la juridiction compétente.

 

II-La vente du surplus généré par l’autoproduction

Une licence de vente est obligatoire dès que le surplus d’énergie produite est destiné à être vendu et ce, quelle que soit la puissance maximale installée de l’ensemble des installations électriques concernées.

Le régime de la licence est précisé par le projet de décret fixant les conditions et modalités de délivrance, de modification, de renouvellement et de retrait des titres d’exercice. Il est identique à celui de la licence requise dans le cadre de l’autoproduction d’énergie (décrit ci-dessus).

Le décret n°2023-286 précise les conditions et modalités dans lesquelles la vente du surplus s’opère (A) et les conditions d’injection du surplus dans le réseau (B).

A-Conditions de vente du surplus

Conformément au décret n°2023-286, les auto-producteurs souhaitant vendre leur surplus et remplissant les conditions techniques requises[3] sont tenus de conclure un contrat d’achat d’énergie électrique avec le concessionnaire dont le tarif d’achat est déterminé par la CRSE. Il convient de noter que priorité est donnée à l’achat et au transport de surplus d’électricité d’origine renouvelable.

Le décret précise que le surplus vendu dans le cadre des activités d’autoproduction ne peut excéder plus de 10% de la consommation annuelle de l’auto-producteur. Il est mesuré et comptabilisé par un compteur spécial installé par le concessionnaire. Les modalités de traitement en cas de dépassement doivent être précisées par le contrat d’achat de surplus d’énergie électrique.

Concernant la puissance installée maximale d’un système d’autoproduction avec vente de surplus, elle ne peut excéder :

  • 120% de la puissance de pointe pour un consommateur domestique ;
  • 110% de la puissance nominale des équipements installés pour les consommateurs professionnels et industriels.

Par ailleurs, le décret dispose que la puissance de raccordement souscrite ne peut être supérieure à la puissance installée maximale. Dans les cas où la puissance injectée sur le réseau dépasse la puissance souscrite, l’auto-producteur domestique comme professionnel et/ou industriel doit souscrire un nouveau raccordement et supporter les coûts éventuels d’un renforcement du réseau.

Lorsque la vente du surplus généré par l’autoproduction concerne de l’énergie électrique d’origine renouvelable, les conditions de vente sont déterminées par le contrat type approuvé par la CRSE en application de l’article 56 du Code de l’électricité.

B-Conditions d’injection du surplus dans le réseau

Conformément au décret n°2023-286, les installations d’autoproduction dont le surplus d’électricité produit est destiné à être injecté dans le réseau sont soumises aux prescriptions du Code réseau notamment :

  • les normes des installations et les prescriptions techniques correspondant au type d’énergie produite qui sont en vigueur lors de la demande de licence ;
  • les conditions techniques de raccordement au réseau fixées dans un contrat de raccordement conclu entre l’auto-producteur et le gestionnaire de réseau.

Il appartient au concessionnaire de fixer le point d’accès au réseau des installations de production. La connexion ainsi que les équipements nécessaires à la sécurité du réseau doivent être conformes aux exigences techniques du Code de réseau.

Le décret n°2023-286 met à la charge de l’auto-producteur, les coûts nécessaires au raccordement de ses installations au réseau. Lesdits couts sont contrôlés par la CRSE.

Lorsque le réseau ne peut absorber toute l’énergie produite sans mettre le réseau public en danger, le concessionnaire peut demander le découplage des unités de production de l’auto-producteur ou demander à ce dernier de réduire l’énergie injectée au point d’achat si la sureté et la stabilité du réseau public risquent d’être affectées. Dans ce cas, l’auto-producteur doit être informé de ces mesures sans délais.

 

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[1] Projet de décret fixant les conditions et les modalités de délivrance, de modification, de renouvellement et de retrait des titres d’exercice examiné le 18 janvier 2023 en Conseil des Ministres.

[2] Les frais d’instruction sont définis par le règlement d’application de la CRSE.

[3] Les critères techniques du réseau sont définis par les dispositions réglementaires et conventionnelles applicables, notamment le Code de réseau.

 

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